Départ

Assez vu. La vision s’est rencontrée à tous les airs.
Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.
Assez connu. Les arrêts de la vie. Ô rumeurs et Visions !
Départ dans l’affection et le bruit neuf !

En mars 2016, nous décollons Sébastien Capazza et moi pour l’Afrique sur les traces d’Arthur Rimbaud, direction Djibouti et Addis-Abeba.
Nous sommes invités par l’Institut français de Djibouti et l’Alliance Ethio- française d’Addis pour jouer Toi, tu marcheras dans le soleil, lors du festival de la francophonie.
Retour sur ce voyage sur les terres d’accueil d’Arthur Rimbaud qui a vécu 10 ans dans la corne de l’Afrique et l’Éthiopie.

Djibouti

« Sensations »

La chaleur écrasante nous accueille, la chaleur et la poussière.
Un dédale de couleurs, d’épices et de petites ruelles dans le vieux centre, beaucoup de femmes aux tuniques et turbans très colorés, une population métissée, des somalis, des arars, des musulmans, des chrétiens, des orthodoxes.
Nous passons un bout de la soirée sur la terrasse de l’Institut avec des djiboutiens qui viennent de participer à un atelier cinéma à l’institut.
Je rencontre Ismaël, un djiboutien d’une soixantaine d’année qui me parle rapidement du khat, cet arbuste originaire d’Éthiopie.
Il est consommé par les habitants, qui mâchent longuement les feuilles pour leur effet stimulant et euphorisant. Il m’en parle comme d’un fléau qui séparent les couples. Le business d’un pays corrompu.
De la terrasse, il me montre le palais du président, la tour en construction pour la fille du président.
«Ça empêche les hommes de faire l’amour à leur femme, ça ronge le cerveau le khat »
Le lendemain, en marchant, rue de l’Éthiopie, je croise Souleymane qui lui me livre une toute autre version, il voit le khat comme un vecteur de rassemblement social, de convivialité, « on broute, on mâche, on se rassemble »
Sur les toits de la ville, Ismaël poursuit son histoire, parle de son amour du cinéma
« Quand j’étais gamin, je n’avais pas assez d’argent pour aller au cinéma, alors à plusieurs on payait un mec qui y allait pour tout le groupe et qui en revenant nous racontait le film dans les moindres détails autour d’un feu. »
Des années plus tard, il voit des vrais films, des westerns.
Nous quittons la terrasse pour les quartiers populaires de Djibouti, Mohammed, le régisseur son et lumières de l’Institut, m’emmène dîner.
Poisson grillé très pimenté, galettes qu’on trempe dans des dattes, des bananes écrasées, de l’ail avec des condiments, c’est délicieux, l’enseigne de la boutique clignote bleu, vert, jaune.
Nous sommes les derniers clients, le vieux monsieur ferme le store, nous laisse finir notre repas et installe son tapis pour la prière, il prie à un mètre cinquante de notre table , avec son fils.
Mohammed me parle de Djibouti comme une ville de liberté, « ici, on ne vole pas on laisse traîner ses affaires ».
Une république où orthodoxe, chrétiens, musulmans se côtoient sans animosité, où les gens aiment la paix.
Curieuse république entourée de bases militaires.

Le lendemain, je me lève tôt je prends un bain de foule, rue de l’Éthiopie puis sur la place du marché, place Rimbo.
A 10H00, il fait presque 30°.
Vacarme d’enfer sur la place, rangée d’échoppes, vêtements, linges, livres, viandes, épicerie, électronique, bus bondés, taxis en pagaille.
L’ambiance est détendue, je me fonds dans la foule, il est juste impossible de prendre des photos, ils ne supportent pas ça, dixit Mohammed.
Non loin, la mer Rouge, quelques baigneurs isolés, la plupart se baignent habillés.
Retour en ville, puissante odeur de café et muezzin qui rebondit contre les murs de la ville.

Ce soir nous jouons, nous avons débattu avec le directeur de l’Institut de jouer ou non l’appel à la prière musulmane , que nous avons mis en musique dans le spectacle.
Il a peur des réactions des djiboutiens. Je ne démords pas. Cela résonne encore plus ici, c’est une ode à la culture musulmane mise à mal de nos jours, et surtout c’est un choix artistique, cela faisait partie du paysage sonore de Rimbaud qui vivait à Harar.
Coupures de courant pendant les raccords, petite frayeur, Mohammed refait toutes les mémoires lumières, il est très stressé, et surtout très consciencieux, il reprend la conduite lumière et son du spectacle.
Nous nous préparons dans les loges infestées de moustiques, il fait très chaud malgré la clim, nous jouons sous la chaleur des projecteurs et de la salle. Il y a une belle écoute. Finalement le public réagit très bien à l’appel à la prière. Les spectateurs nous parle d’un beau voyage universel, une femme qui a voyagé dans le désert éthiopien et à Harar me dit qu’elle a revécu son trajet, qu’elle est reparti dans le désert.
Mohammed est très ému, quand nous le quitterons il nous dira « On sera toujours vos supporters ».

Addis-Abeba, nouvelle fleur en amharique

Le poète n’a jamais été à Addis Abeba mais sur les hauteurs de la ville à Entotto.

L’expérience de jeu est très différente de celle de Djibouti.
Contrairement aux djiboutiens qui parlent français, ici les 3/4 des spectateurs ne parlent pas un mot de français.
La soirée commence par des danses et des musiques traditionnelles éthiopiennes, avec des acteurs éthiopiens qui lisent Rimbaud en amharique.
Le poète vient d’être pour la première fois traduit dans la langue officielle éthiopienne.
Sébastien et moi nous joignons à eux pour une improvisation, Sébastien joue des percussions avec les musiciens , je partage un poème Voyelle avec Azeb, qui lit en amharique et moi en français.
Ce moment improvisé, de partage est très agréable.
La deuxième partie de soirée, nous jouons notre spectacle.
Nous sommes très impressionnés après ces danses et musiques très festives, de jouer devant un public non francophone.
Le public est très différent du public occidental , ils se lèvent, il réagissent, ils parlent, ils sortent, ils rentrent, c’est très vivant.
Le spectacle est bien reçu, le public s’immerge dans la musique, l’interprétation, les femmes sont très touchées de voir, une femme sur scène et me remercient. Quelques-uns quittent la salle au bout de 45 min mais la plupart restent et sont heureux , ils parlent d’une performance.
Merveilleux hasard, quand nous jouons le muezzin, résonne en échos depuis une mosquée proche de l’Alliance, « le vrai muezzin » ;
C’est magique , des frissons nous parcourent.

Après cette soirée hommage à Rimbaud, je me prépare à partir à Harar, avec Jean-Marc Boutonnet Tranier, notre hôte à Addis, tourner des images pour son documentaire qu’il réalise sur Arthur Rimbaud.
Pour ce film, il a retracé l’itinéraire du poète en Afrique, il a interviewé les descendants de gens qui ont côtoyés Arthur.
Nous réaliserons également une musique pour ce film.

Harar

Harar, qui désigne les murailles, 4ème ville sainte de l’islam.
La ville abrite 110 mosquées et sanctuaires.
Elle fait partie des villes où a vécu principalement Rimbaud en Afrique.

Nous marchons sur la place où la maison du poète a été rasée, une maison Rimbaud se visite à Harar mais c’est une fausse, une reconstitution, nous n’y mettons pas les pieds.
Je m’immerge de ces couleurs de façades, vert et bleu vif, et essaye d’imaginer le poète dans ces murs, sur cette place.

A peine arrivée à Harar, nous partons dans un petit village montagneux, aux alentours pour filmer des lectures de correspondance du poète.
Assise sur une pierre, au milieu du village, je lis les lettres du poète entourée de tous les enfants et les femmes du village. Je lis et m’adresse aux enfants, qui rient , sont un peu impressionnés par ces étrangers dans leur village.
Je plante mes yeux dans les leur et leur donne ces mots qu’ils ne comprennent pas.

Nous marchons à nouveau dans les ruelles de Harar. Le muezzin envahit toute la ville avec ses 110 mosquées, il se confond avec les chants orthodoxes très beau.
Je dors dans une chambre, chez l’habitant, qui donne sur une petite ruelle.
Je suis malade toute la nuit, fiévreuse, livide, j’ai une intoxication alimentaire, je délire presque et me laisse engloutir par les bruits de la ville, le muezzin, les voix, les cris des hyènes, très tôt la ruelle s’anime, les odeurs très fortes d’épices me donnent la nausée.
Je n’arrive pas à me lever. Nos hôtes se moquent de moi, me donnent un médiacment local, des graines à mâcher. On me dit que maintenant je suis le double d’Arthur Rimbaud, il est parti d’ici sur sa civière et ma première nuit à Harar fut un cauchemar.
Je suis les pas du poète.
Le soir, les hyènes s’invitent dans les ruelles et nettoient la ville. Pas d’éboueur, les hyènes vident la ville de ses ordures, les habitants leur donnent de la viande comme une offrande, depuis des décennies et c’est devenu une des principales attraction touristique.

Il y aurait encore beaucoup à raconter sur ce voyage. Maintenant le spectacle résonne différemment, nous sommes chargés de toute ces histoires, ces rencontres, ces détours, ces visions.
Nous terminons le voyage dans un bar traditionnel azmari , avec un danseur hors norme Melaku, qui tient la boutique.
L’azmari est un chanteur et un musicien éthiopien qui improvise ses paroles et s’accompagne d’un macinko ou d’un krar.
Tous les azmari ont presque disparus à Addis.
Les azmaris s’approchent des spectateurs et improvisent des paroles en partant d’une description physique du spectateur c’est très drôle, on nous traduit les paroles, ensuite le spectateur est invité à danser et à reproduire les gestes de l’azmari.
Sébastien improvise au saxophone, invité par un azmari.
Demain nous volerons à nouveau au dessus de cette ville , chargés des odeurs d’épices, de khat, de ces musiques de transe et habités des mots d’Arthur Rimbaud.

Addis Abeba Affiche Alliance Ethio Franaise
Addis Abeba Prs De La Gare
Harar 2
Harar 3
Harar 4
Harar 5
Harar 6
Harar Charleville
Harar Emplacement O A Vcu Rimbaud
Harar
Alentour De Harar 2
Alentour De Harar 3
Alentour De Harar
Autour DAddis Abeba 2
Autour DAddis Abeba
Djibouti March Aux Pices
En Route Pour Harar
Harar Ruelle 2
Harar Ruelle
Les Boueurs De Harar
March Harar 2
March Harar
March Aux Pices Harar
Ruelle De Harar
Tournage 1
Tournage 2
Tournage 3
Tournage Film Documentaire Sur Rimbaud
Village Prs De Harar 2
Village Prs De Harar
Sur Les Traces De Rimbaud 1
Sur Les Traces De Rimbaud 2
Sur Les Traces De Rimbaud 3